quelques jours du Sommet France-Afrique, on ne saurait trop conseiller
aux journalistes chargés de couvrir cette grand-messe de s'y rendre
munis du livre de Vincent Hugeux. Ils tiennent là le Who's Who des
relations franco-africaines. Ils y trouveront des informations de
première main sur nombre des "sorciers blancs" qu'ils
croiseront immanquablement à Cannes. Derrière les cartes de visite qui
disent si peu, ils reconnaîtront le communicant chargé de vendre à
l'extérieur l'image du régime du Sénégal ou de la Libye, le juriste qui
a livré clés en main la Constitution révisée du Burkina Faso, le
rédacteur en chef venu monnayer un vrai faux reportage sur la Tunisie
ou le Niger...if (provenance_elt !=-1) {OAS_AD('x40')} else {OAS_AD('Middle')}
L'auteur a choisi
d'ignorer le monde des patrons et des barbouzes pourtant actifs en
Afrique pour se focaliser sur trois corporations. Celle des gourous de
la communication ouvre le bal. Peu nombreux, "ils vivent souvent de
la crédulité des leaders africains, novices, vétérans ou prétendants,
leur cédant de l'image au prix fort. (...) Au mieux, ces "sorciers blancs" vendent d'utiles conseils et d'habiles slogans. Au pire, des illusions",écrit
l'auteur, en nous racontant d'une plume alerte et volontiers
sentencieuse les tribulations de quelques-uns de ces marabouts en terre
africaine.Le bilan est sans appel. Qu'il s'agisse de travestir
un putschiste en démocrate, de faire passer un médiocre chef d'Etat
pour un intellectuel de haut vol, de maquiller un bilan présidentiel
calamiteux, les volontaires ne manquent pas lorsqu'il s'agit de servir
une cause détestable. L'appât du gain triomphe de tout, y compris des
professions de foi progressistes faites en métropole.Après les communicants, la presse. Le procès n'est pas moins sévère. Au premier rang des accusés, l'hebdomadaire Jeune Afrique. Fondé en 1960, il doit sa longévité "au charisme et à la pugnacité de son fondateur", le Franco-Tunisien Béchir Ben Yahmed, mais aussi à un "pragmatisme commercial qui confine au cynisme".
A lire les pièces multiples et accablantes versées au dossier par
l'auteur - certaines déjà connues -, l'accusation paraît faible... Elle
conduira sans doute les habitués de Jeune Afrique à lire d'un oeil nouveau les informations publiées par "le navire amiral de la flottille panafricaine".Mais d'autres titres côtoient Jeune Afrique
dans le box des accusés : des revues financées en sous-main par des
potentats africains, des magazines à la solde de tel ou tel pays du
Maghreb. Même L'Express, l'hebdomadaire où travaille l'auteur, ne sort pas indemne de la confrontation.La dernière salve est pour les juristes. "Discrets, d'ordinaires inconnus du grand public, écrit Vincent Hugeux, nos
Diafoirus sillonnent l'Afrique pour ravauder les Lois fondamentales à
la demande des despotes inquiets, avides de s'affranchir des carcans du
droit. Eux préfèrent, pour faire l'article ou défaire l'amendement,
l'ombre des coulisses aux feux de la rampe."On
aurait tort de sous-estimer leur influence. Président du Conseil
constitutionnel et intime de Jacques Chirac, Pierre Mazeaud est
l'auteur de la Loi fondamentale de la jeune République démocratique du
Congo. Spécialiste de science politique, Edmond Jouve peut se vanter,
lui, d'avoir convaincu une demi-douzaine d'Etats africains de se doter
d'un Sénat. C'est également à un Français que l'on doit la Constitution
du Cameroun.Dans ce petit monde de juristes bourlingueurs
émergent quelques personnages hauts en couleur. Certains attachants
(mais ils sont rares), d'autres moins sympathiques. Charles Debbasch,
passé au service d'Eyadema fils, l'actuel président togolais, après
avoir servi le père, est de ceux-là. M. Hugeux ne l'épargne pas, tout
en reconnaissant qu'"il n'est que l'arbre qui cache la forêt". LES SORCIERS BLANCS. ENQUÊTE SUR LES FAUX AMIS FRANÇAIS DE L'AFRIQUE de Vincent Hugeux. Fayard, 336 pages, 20 euros.
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