Je ne parle pas de tous les intellectuels, je parle des écrivains héritiers spirituels de Senghor, ils préfèrent leur soulier verni, leur bien-être dans leur bureau, leur poste d’enseignant ou d’universitaire, de petites interviews misérables données aux journaux, d’un tour chez le magazine soporifique de Mr Sada Kane, à l’action pure.
Ils sont frileux nos écrivains sénégalais ; ils n’ont ni lu Fanon, ni écouté Sembène Ousmane, ni connu Cheikh Anta Diop, ni compris Sartre, Bourdieu et encore moins Wole Soyinka.
Ils n’aiment pas se salir les mains, ils ont horreur du sang, de la sueur et de la boue, redoutent la misère, méconnaissent les campagnes et les paysans, courbent l’échine devant ce qu’on appelle notre démocratie par leur silence consentant.
Ils ont évacué de leur vocabulaire appauvri réflexion, critique, révolution, lutte et dialogue.
Ils sont nés avec un crayon, tout ce qu’ils écrivent s’effacent après une première diffusion mais ils sont satisfaits de se réunir chez Keur Birago, d’admirer leur petit livre qui ne parle qu’à eux, mal relié et à la typographie en diagonale, production d’une petite maison d’édition qui les publie peut être faute de mieux.
Ils grattent du papier pour faire une poésie mièvre, on les compte du doigt d’une seule main, ceux qui interpellent et qui émeuvent.
Les intellectuels sénégalais en général et les écrivains en particulier ne souffriront guère de leur absence de postérité, d’ailleurs ils ne seront plus là.
Le pays va mal, la jeunesse la fuit, l’éducation est sacrifiée, les gens meurent de faim dans les campagnes, les paysans sont humiliés pris pour des enfants par des dirigeants post colonialistes qui ne connaissent même pas leur propre bureau et dont le cerveau ventilé par trop d’air climatisé ne cesse de ramollir, la politique est une scène de tournage pornographique dont les journalistes assistent aux avant première, complices, aveugles et suivistes.
Nos écrivains sont sourds à tout cela.
Leur rêve ?
Peut être une petite consécration par le prix du président de la république.
Mariama Bâ avait plus de couilles en dénonçant la condition des femmes et en axant sa réflexion sur l’éducation.
Nos écrivains mériteraient un caleçon pour bonnet sur la tête et de pousser un cri d’âne avant qu’on les lise s’ils ont encore l’esprit de dire quelque chose.
A moins qu’il semble qu’ils n’ont rien à nous dire, qu’ils n’ont jamais eu rien à dire.
De la littérature, il semblerait qu’ils n’y réfléchissent pas, ne l’ont jamais senti et ne savent définitivement pas à quoi ça sert.
Des parnassiens c’est tout ce que nous avons, singeant des écrivains bourgeois européens du XIX ème siècle.
Il ne faut guère s’étonner que les élèves de série S ne lisent pas et que ceux de série L ne puissent pas affirmer si Boubacar Boris Diop est un contemporain ou un macchabée.
Honte à nos gratteurs de papier qui veulent se frotter à la langue de Corneille ou de Koth Barma.
Ils ne nous ont rien appris et continuent par petit jet, à nous endormir dans leur nostalgie affectée.
A quand une génération d’intellectuels qui sachent ouvrir sa gueule et ne surtout pas se mêler de ce qui la regarde ?
A quand des écrivains qui par leurs oeuvres sauront se faire l’écho des inquiétudes du peuple et de son histoire ?
Ah vivement ce jour béni et qu’il soit proche !