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Année 2003
Trafic, blanchiment, escroquerie, piratages de cartes de crédit sur Internet : La Dic démantèle un réseau
jeudi
24 juillet 2003
La
Division des investigations criminelles (Dic) de la Direction de la
police judiciaire (Dpj) vient de démanteler un dangereux gang de
faussaires internationaux sur Internet à Dakar. Ces véritables
flibustiers " on-line ", trois Nigérians résidant au Sénégal qui
trafiquaient à partir des cartes de crédit volées ou dont le numéro
avait été " piraté " à l’informatique squattaient les cybercafés de la
place pour pomper les comptes de leurs victimes. En cheville avec des
Sénégalais propriétaires de sociétés de location de véhicules, " Darou
Salam-Location " et " Nouvelle location " sise à Colobane. Ils
débitaient les comptes des pauvres propriétaires de ces cartes à l’aide
de fausses factures et de faux contrats de location.
Les hommes du commissaire Mamadou Thiandoum de la Dic
ont réussi un coup de maître en arrêtant, le vendredi 18 juillet en
flagrant délit au cybercafé qui fait face à la cité Claudel de
l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), les ressortissants
nigérians que sont : Agbiola Abiola Adjibola, alias Gbassin, alias
Nimbuila, du nom d’un ressortissant anglais dont il usurpe parfois
l’identité, Adjérémi Adjewalé et Saïbou Adolo Morof. La prise est
d’autant plus importante qu’il s’agit d’un réseau aux connexions
internationales et qui opère sur Internet. Abiola Adjibola, qui semble
être le chef du gang, réside au Sénégal depuis 1997 d’après ce qui
s’est dégagé de l’enquête de police. Il est marié à une de nos
compatriotes et possède même une société d’import-export faisant dans
la vente de frigos d’occasion sise au quartier de Fass de la Médina.
Ses deux autres complices ne disposent pas de cartes de séjour en cours
de validité, ils sont donc en situation irrégulière au Sénégal.
N’empêche, ils opéraient avec leur chef en toute
impunité depuis plusieurs années maintenant dans notre pays. Squattant
les cybercafés de la ville, ils pirataient les comptes bancaires de
leurs victimes à travers le monde en toute quiétude, en opérant des
transactions financières sur le Net. Achetant à tour de bras tout ce
qui se vendait sur Internet sans grand contrôle, ils se faisaient
livrer leurs marchandises en Espagne où une épouse de Abiola, le chef
de gang, résiderait, ou en Italie où les " pirates cybernautes "
posséderaient des complicités. Pis, en cheville avec deux sociétés de
location de véhicules de la place, ils se sont lancés dans une vaste
escroquerie sur la base de fausses factures, de faux contrats et de
faux devis pour la réparation de véhicules accidentés. Le préjudice sur
cette rubrique est estimé pour l’heure à 40 millions de Fcfa en moins
de sept mois, de janvier 2003 à nos jours.
Mais, les hommes du commissaire Mamadou Thiandoum de la
Dic en sont convaincus, le préjudice réel doit se chiffrer à des
milliards de Fcfa, " depuis le temps que ces gens-là opèrent au Sénégal
et surtout par le fait que nous ne connaissons pas jusqu’à présent le
nombre réel de leurs victimes. Nous avons saisi Interpol en lui
fournissant les éléments d’enquête pour identifier les victimes et
avoir une idée réelle du préjudice ainsi causé ". Avec leurs complices
sénégalais que sont : Ibrahima Diom de " Darou Salam location " et
Moussa Faye, un taulier en cheville avec la société, Khalil Diop gérant
de la société " Nouvelle location " sise à Colobane, son co-gérant Sam
Ndiaye qui, lui, est encore dans les locaux de la Dic, ils ont été
déférés hier, mercredi 23 juillet au parquet. Une information est
ouverte pour la poursuite de l’enquête afin de déterminer les
ramifications potentielles et l’ampleur des méfaits au Sénégal et à
l’étranger.
Le logiciel " MPI "
Les personnes placées sous mandat de dépôt disposaient,
au moment de leur arrestation, d’un logiciel qui effare les limiers de
la Dic, tant ses capacités sont extraordinaires. Imaginez, un logiciel
informatique qui vous permet de savoir si une carte de crédit, quelle
qu’elle soit, est valable et en cours de validité ou pas, rien qu’en
introduisant le numéro de celle-ci dans l’ordinateur et qui vous
indique même parfois la banque émettrice. Le logiciel dispose, dans ses
mémoires, des numéros de cartes émises par 1432 banques la plupart
américaines, mais aussi de d’autres pays du globe. Mieux, quel que soit
le type de carte, " American Express, Cartes Aurore, Eurocard,
MasterCard, Groupement Carte Bleue, la carte corporate, Mediatis, Visa
International ", etc. le logiciel est capable d’en déterminer la
validité ou non. A cela s’ajoute qu’il est à même, à partir d’un numéro
de carte valable, de fournir une série de 999 autres numéros valables
par extrapolation. Tout ce que ce fameux logiciel qui est le produit
d’un curieux groupe cachant l’identité de ses membres sous des
pseudonymes en anglais évocateurs, " Hacquer, maniac, etc. ", ne peut
pas faire est de donner le contenu du compte bancaire du numéro de la
carte de crédit piratée.
Ce qui amène ses utilisateurs à user de ruse et à
s’adresser aux fournisseurs sur Internet, les moins regardants sur
l’origine et l’identité des acheteurs, se contentant simplement
d’encaisser les sommes dues. Possédant une gamme impressionnante de
numéros de cartes de crédit grâce à leur logiciel, Agbiola Abiolo et
ses compagnons s’en donnaient à cœur joie. Ils n’avaient besoin que
d’un cybercafé où, en toute tranquillité, ils surfaient sur le Net, à
la recherche des fournisseurs à travers le monde qu’ils payaient ainsi
avec l’aide des numéros de cartes de crédit piratées.
Fausses factures, faux contrats, faux devis
Ibrahima Diom de " Darou Salam location ", Moussa Faye,
taulier de son état qui établissait les faux devis de réparation des
véhicules accidentés ou supposés tels, Khalil Diop gérant de la société
" Nouvelle location " sise à Colobane, son co-gérant Sam Ndiaye sont
depuis sept mois en cheville avec les Nigérians flibustiers du on-line.
Ils pompaient les comptes d’individus établis à travers le monde sur la
base de fausses factures, de faux devis de réparation, de faux contrats
de location de véhicules.
Selon des éléments de l’enquête des hommes du
commissaire Thiandoum, Ibrahima Diom de la société de location de
voitures, " Darou Salam location ", Moussa Faye, taulier, Khalil Diop
gérant de " Nouvelle location " également de véhicules et son
co-gérant, Sam Ndiaye sont en cheville avec les fameux Nigérians. A
eux, la fourniture des faux contrats de location de véhicules, de faux
devis de réparation, de fausses factures. Aux Nigérians, la fourniture
des numéros de cartes de crédits. Il ne reste qu’aux banques de la
place " d’abouler " l’argent en débitant les comptes bancaires des
cartes présentées. Avec l’ampleur du manège et s’étonnant quand même de
l’usage de la carte de crédit et de l’importance des sommes à payer,
certaines de ces institutions financières sollicitées ont requis de
leurs clients, la fourniture de l’identité de leurs débiteurs. Khalil
Diop, comme Ibrahim Diom, ont eu beau jeu avec l’aide de leurs
complices nigérians de fournir aussitôt de fausses photocopies de
passeports étrangers, de cartes d’identité accompagnées des copies des
faux contrats de locations... Devant ces " preuves ", les banques ne
pouvaient que s’incliner, d’autant plus que personne ne venait se
plaindre auprès d’eux. Les " pompés " ne se rendant même pas compte ou
trop tard que leurs comptes bancaires se vidaient depuis le Sénégal,
s’ils savent même dans quelle partie du globe se situe ce pays. Et le
manège de se poursuivre de plus belle jusqu’à ce vendredi 18 juillet,
où les hommes du commissaire Thiandoum réussissent, en exploitant une
information d’une de leurs sources, le beau coup de filet avec, dans
les mailles, le trio nigérian. Les documents trouvés en leur
possession, conduiront aussitôt à " Darou Salam Location " et "
Nouvelle location ", deux sociétés de location de voitures qui ont
bénéficié des largesses du groupe. Le reste relève du travail des
enquêteurs. Le beau monde se met à table et avoue son forfait.
Auparavant, il aura encaissé sur cette rubrique, 40 millions de Fcfa
dont les 60 % revenaient aux Nigérians, le reste aux complices
sénégalais.
Le gang démantelé, quid
de la législation dans ce domaine ?
Le gangstérisme informatique a maintenant droit de cité
au Sénégal. Tout le système économique et financier du pays est en
danger. Le gang des Nigérians qui vient d’être démantelé par les hommes
du commissaire Thiandoum en constitue une preuve inquiétante. Les
citoyens sénégalais, les étrangers et les institutions financières du
pays se trouvent ainsi à la merci de la pègre internationale,
intervenant sur Internet avec des conséquences incalculables pour notre
économie.
Face à une telle situation, la police qui prouve, par
ce coup d’éclat, qu’elle ne manque pas de perspicacité, malgré ses
faibles moyens, est pourtant démunie. Tant au niveau " scientifique ",
il lui faut aujourd’hui se mettre continuellement au diapason des
nouvelles technologies, pour en traquer tous les usagers véreux aux
connexions internationales. Tant au niveau des moyens logistiques et
humains que de la législation sénégalaise. Celle-ci ne semble pas
encore prendre en charge le phénomène et ses conséquences. Selon des
policiers interrogés, " aucun contrôle n’est exercé sur les cybercafés
où n’importe qui peut venir surfer sur Internet, ouvrir des boîtes à
lettres électroniques, les fermer en toute impunité. Il en est de même
de la téléphonie mobile. L’identification des détenteurs de portables
semble même facultative auprès des sociétés concessionnaires, de sorte
qu’il est souvent difficile de mettre la main sur un usager qui a
maille à partir avec la justice ou est en marge de la légalité.
Pourtant tout le monde sait maintenant que beaucoup de transactions
frauduleuses se font à partir du téléphone mobile ". Pour ces éléments
des défenseurs de l’ordre et de la quiétude des citoyens, " il urge
pour le législateur sénégalais de se pencher sur ce problème,
aujourd’hui très sérieux ".
Madior FALL