AVORTEMENT CLANDESTIN : L’une des premières causes de mortalité maternelle
Malgré les risques qu’il comporte, l’avortement clandestin est une pratique courante au Sénégal. L’avortement constitue une des premières causes de mortalité maternelle en Afrique. Selon une étude faite par l’Oms en 1990, 15% des décès maternels sont dus à ce phénomène. C’est aussi l’avis de Marième Fall, sage-femme à la Division de la santé de la reproduction (Dsr) du ministère de la Santé et de la Prévention, qui estime qu’un décès sur 8 lié à la grossesse est du à l’avortement.
L’avortement peut être défini comme une interruption de grossesse avec l’expulsion complète du produit de conception avant 28 semaines d’aménorrhée.
D’après le Dr Ndiaye, gynécologue à l’hôpital Aristide Le Dantec, il existe 3 sortes d’avortement : l’avortement spontané, l’avortement provoqué clandestin et l’avortement thérapeutique.
L’avortement spontané survient lorsque le produit de semence s’expulse de lui-même, contrairement à celui dit provoqué qui nécessite l’intervention de quelqu’un ; que ce soit le médecin, le corps paramédical (matrone, infirmier ou aide-infirmier, sage-femme) ou autre.
Au Sénégal, d’après le code de déontologie médicale, on ne peut procéder à un avortement médical que lorsque la grossesse met en péril la vie de la femme. En d’autres termes s’il y a incapacité de la femme à supporter la grossesse. C’est l’exemple des maladies cardio-vasculaires comme la cardiopathie. Et pour cela, il faudrait au préalable le diagnostic confirmé de deux médecins. C’est en ce moment seulement qu’on peut parler d’avortement thérapeutique. Cette incapacité à supporter la grossesse peut aussi survenir à la suite d’une maladie comme le cancer du sein par exemple.
Etat de détresse, peur des parentsPour le Dr Ndiaye, celles qui recourent le plus à l’avortement clandestin ont généralement moins de 20 ans. Généralement, ce sont des élèves, des étudiantes ou des filles sans profession ou n’ayant aucune notion de la pratique contraceptive.
Pour cette catégorie, les raisons qui les poussent à cette pratique sont de nature diverse. Mais, l’on peut retenir : l’état de détresse et d’incompréhension dans lequel elles se trouvent généralement, la peur des parents, la volonté de poursuivre les études, leur mauvais état de santé, la non-reconnaissance de la grossesse par le père et la situation financière inconfortable.
L’autre tranche d’âge concernée est celle des femmes âgées de 20 à 35 ans. La plupart d’entre elles sont des femmes dont la vie de couple n’est pas régulière ou stable et dont les maris sont souvent en déplacement ou en voyage de longue durée.
Tombant souvent enceintes par inadvertance, elles sont obligées de se débarrasser du produit de leur infidélité au risque de perdre la vie.
De l’avis du Dr Ndiaye, la plupart des femmes qui recourent à l’avortement clandestin ne s’en sortent pas, vu les conditions d’hygiène défectueuse dans lesquelles l’opération est souvent pratiquée. Il avance un taux de 10%. Mais, ce chiffre constitue l’arbre qui cache la forêt, faute de statistiques viables
SéquellesLes séquelles vont de l’infection comme le tétanos aux hémorragies avec la perforation de l’utérus, la déchirure du vagin ou du col de l’utérus, si ce n’est pas la mort tout simplement. Ce sont les conséquences immédiates.
La stérilité, les douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie) ainsi que les douleurs pelviennes chroniques représentent les conséquences tardives de même que les chocs psychologiques pour nombre d’entre elles.
Ce qu’il faudrait maintenant, souligne Dr Ndiaye, c’est une rééducation et une sensibilisation poussée sur la Santé de la reproduction, la santé maternelle ainsi qu’une sexualité responsable. En effet, il est essentiel de dire que les populations ont besoin d’une connaissance parfaite des méthodes contraceptives, surtout pour les adolescents, souligne Marième Fall de la Dsr avec la multiplication des sources d’information bien avant qu’ils n’entrent dans la vie active.
« Un éventail de méthodes contraceptives ainsi qu’une communication interpersonnelle assez poussée, qui passerait par une relation entre prestataires et clients, c’est ce qui pourrait, éventuellement, éviter à beaucoup de jeunes filles de choisir de se faire avorter de manière clandestine ».
Car, à défaut d’abstinence, l’utilisation des méthodes contraceptives amoindrirait considérablement les grossesses non-désirées et éloignerait du même coup une pratique comme l’avortement.
Ndella NDOUR (stagiaire ) - quotidien le soleil