DAKAR, 21 mai 2010 (IRIN) - Les brimades, les violences sexuelles et les châtiments corporels sont encore monnaie courante dans les écoles d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, selon un rapport publié le 18 mai, qui appelle les gouvernements à harmoniser leurs lois sur la protection de l’enfance et l’éducation, et à imposer aux établissements scolaires des normes plus strictes en vue de réduire la violence.
La violence envers les enfants ne trouve guère sa place dans les débats relatifs à la justice ou à la gouvernance, et les gouvernements s’intéressent davantage aux droits de la femme qu’au droit des enfants, selon les associations de protection de l’enfance.
« Le débat sur la violence contre les enfants est ouvert depuis un certain temps, mais on n’y a pas donné suffisamment suite, surtout ici, en Afrique de l’Ouest », a estimé Joachim Theis, conseiller en protection de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest. « Quand on allume une allumette, elle ne s’enflamme pas toujours … Ici, les structures sont insuffisantes ; on a beau pousser, ça ne marche pas toujours ».
La violence en milieu scolaire entraîne des taux d’abandon élevés et réduit les chances de pouvoir atteindre l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) relatif à la parité des sexes dans les écoles primaires et secondaires, selon l’organisation non gouvernementale (ActionAid).
La violence peut également priver les enfants d’un bien-être psychologique et se répercuter sur leurs notes ; elle a aussi des conséquences pour leur santé ; quant à la violence sexuelle, elle peut également occasionner des grossesses précoces et avoir des répercussions sur le comportement sexuel à venir des enfants, selon un rapport intitulé Too Often in Silence: Addressing the Roots of School-Based Violence in West and Central Africa ?Trop souvent en silence : Traiter les causes profondes de la violence en milieu scolaire en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale? publié par les ONG Save the Children Suède, ActionAid et Plan International, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
Au Bénin, au Sénégal, en République centrafricaine et en Gambie, des recherches ont montré que plus de la moitié des élèves des établissements d’enseignement primaire étaient victimes de châtiments corporels à l’école. Les preuves recueillies en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie révèlent que les élèves des écoles coraniques sont particulièrement exposés au risque d’être battus ; en Mauritanie, 76 pour cent des enseignants des écoles coraniques ont admis qu’ils frappaient leurs élèves.
Les élèves peuvent être victimes de sévices sexuels en allant à l’école, en retournant chez eux, au sein même de l’école et aux domiciles des professeurs, à en croire le rapport. Les auteurs des violences sont presque toujours de sexe masculin, qu’il s’agisse de membres du personnel scolaire ou d’élèves, et la grande majorité des victimes sont des filles, bien que les garçons subissent eux aussi des maltraitances.
« Ce ne sont que des filles »
La plupart des éducateurs sont aujourd’hui conscients du problème de la violence sexuelle contre les filles en milieu scolaire, a expliqué à IRIN Victorine Kemonou Djitrinou, coordinatrice des recherches et des politiques éducatives d’ActionAid. « Mais ce ne sont “que des filles”, alors les gens ne font pas vraiment d’efforts pour remédier au problème. La violence envers les filles n’est pas toujours la priorité. Les filles sont livrées à elles-mêmes ».
On dispose de peu d’informations sur la violence envers les enfants en général, dans la région, a expliqué Joachim Theis de l’UNICEF, et les preuves dont on dispose ne reflètent pas les expériences des filles face aux violences sexuelles, psychologiques et physiques, selon Akanksha Marphatia, coordinatrice des recherches et des politiques éducatives d’ActionAid.
Les écoles sont souvent le miroir des structures et des relations sociales qui les entourent ; il est donc impossible de trouver des solutions isolées, peut-on lire dans le rapport. La violence envers les filles est en effet liée aux relations entre les sexes, au sein desquelles la violence de l’homme est parfois acceptée, de même que la soumission et la passivité des femmes, d’après le rapport.
Les enquêtes réalisées par l’UNICEF au Bénin, au Togo et en Mauritanie ont en outre montré que de nombreux parents étaient favorables aux châtiments corporels en tant que partie intégrante de l’éducation ; certains considèrent même les relations sexuelles entre élèves et enseignants comme un moyen viable pour l’enfant de progresser, selon Joachim Theis.
Lacunes institutionnelles et lois éparses
En partie à cause de ces normes sociales, la volonté politique nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence contre les filles fait défaut, a expliqué Akanksha Marphatia d’ActionAid.
En outre, les ministères de la Justice, des Affaires sociales, des Femmes et du Développement, et de l’Education ont des politiques distinctes et ne collaborent pas pour éradiquer la violence.
Parmi les pays de la région, seuls le Ghana, la Gambie, le Liberia, le Nigeria et le Togo abordent la violence en milieu scolaire au sein de leurs plans éducatifs nationaux ; à peine six pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont imposé des codes de conduite nationaux contre les sévices sexuels et la violence dans leurs écoles ; et le Sud-Soudan est le seul Etat d’Afrique à avoir interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires, selon le rapport mondial 2009 de l’Initiative mondiale pour mettre fin à tous les châtiments corporels contre les enfants, menée par Save the Children Suède.
De surcroît, les ministères qui mènent cette lutte n’ont pas toujours les capacités requises, « et il n’y a tout simplement pas d’intervention institutionnelle », a déploré Akanksha Marphatia, d’ActionAid. De manière générale, les systèmes nationaux de protection de l’enfance sont effectivement peu efficaces en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
Toutefois, cette responsabilité incombe également aux décideurs internationaux qui, à ce jour, n’ont pas encore souligné la question de la violence dans les écoles, selon ActionAid. La violence n’est d’ailleurs abordée à aucun moment dans les OMD.
Les possibilités
L’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles, axée sur la réalisation des OMD, se réunit actuellement au Sénégal, et la violence figure parmi ses trois thèmes centraux. Cette rencontre sera l’occasion pour les spécialistes de l’éducation, des droits de la femme et de la protection de l’enfance de commencer à travailler ensemble, selon Joachim Theis.
Ces spécialistes élaborent actuellement des plans d’action nationaux (qui ne sont toutefois pas juridiquement contraignants) destinés à réduire la violence en milieu scolaire. « Il faut s’attaquer au problème sur tous les fronts : par la législation, en établissant des normes, en créant des mécanismes de dépôt de plaintes », a-t-il préconisé.
Dans le cadre de ces plans d’action, les associations de protection de l’enfance suggèrent de recommander aux écoles de recruter davantage d’enseignantes, d’assurer de meilleures formations sur la violence et les droits des enfants pour les enseignants, d’inciter les gouvernements à améliorer les systèmes de protection de l’enfance en formant les professionnels de la justice ; et de commencer à assurer le suivi des violences perpétrées à l’encontre des enfants, et à en rendre compte.
Les bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, ont également un « rôle extrêmement important » à jouer : dans le cadre de leurs enveloppes d’aide à l’éducation, ils doivent insister pour que les pays acceptent d’agir pour réduire la violence, selon Joachim Theis.
Plusieurs ONG de la région travaillent de concert avec les syndicats d’enseignants en vue d’élaborer des codes de conduite. « Nous ne pouvons pas victimiser les enseignants : seul un petit pourcentage d’entre eux sont auteurs de maltraitances », a souligné Akanksha Marphatia.
Save the Children et les syndicats d’enseignants ont élaboré un code de conduite pour les enseignants de Côte d’Ivoire, qui a été présenté au ministère de l’Education ; ActionAid en a fait autant au Ghana ; en Mauritanie, les groupes religieux ont lancé une « fatwa » contre les châtiments corporels, à l’école comme au sein des foyers.
La violence envers les enfants ne trouve guère sa place dans les débats relatifs à la justice ou à la gouvernance, et les gouvernements s’intéressent davantage aux droits de la femme qu’au droit des enfants, selon les associations de protection de l’enfance.
« Le débat sur la violence contre les enfants est ouvert depuis un certain temps, mais on n’y a pas donné suffisamment suite, surtout ici, en Afrique de l’Ouest », a estimé Joachim Theis, conseiller en protection de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest. « Quand on allume une allumette, elle ne s’enflamme pas toujours … Ici, les structures sont insuffisantes ; on a beau pousser, ça ne marche pas toujours ».
La violence en milieu scolaire entraîne des taux d’abandon élevés et réduit les chances de pouvoir atteindre l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) relatif à la parité des sexes dans les écoles primaires et secondaires, selon l’organisation non gouvernementale (ActionAid).
La violence peut également priver les enfants d’un bien-être psychologique et se répercuter sur leurs notes ; elle a aussi des conséquences pour leur santé ; quant à la violence sexuelle, elle peut également occasionner des grossesses précoces et avoir des répercussions sur le comportement sexuel à venir des enfants, selon un rapport intitulé Too Often in Silence: Addressing the Roots of School-Based Violence in West and Central Africa ?Trop souvent en silence : Traiter les causes profondes de la violence en milieu scolaire en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale? publié par les ONG Save the Children Suède, ActionAid et Plan International, en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
Au Bénin, au Sénégal, en République centrafricaine et en Gambie, des recherches ont montré que plus de la moitié des élèves des établissements d’enseignement primaire étaient victimes de châtiments corporels à l’école. Les preuves recueillies en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie révèlent que les élèves des écoles coraniques sont particulièrement exposés au risque d’être battus ; en Mauritanie, 76 pour cent des enseignants des écoles coraniques ont admis qu’ils frappaient leurs élèves.
Les élèves peuvent être victimes de sévices sexuels en allant à l’école, en retournant chez eux, au sein même de l’école et aux domiciles des professeurs, à en croire le rapport. Les auteurs des violences sont presque toujours de sexe masculin, qu’il s’agisse de membres du personnel scolaire ou d’élèves, et la grande majorité des victimes sont des filles, bien que les garçons subissent eux aussi des maltraitances.
« Ce ne sont que des filles »
La plupart des éducateurs sont aujourd’hui conscients du problème de la violence sexuelle contre les filles en milieu scolaire, a expliqué à IRIN Victorine Kemonou Djitrinou, coordinatrice des recherches et des politiques éducatives d’ActionAid. « Mais ce ne sont “que des filles”, alors les gens ne font pas vraiment d’efforts pour remédier au problème. La violence envers les filles n’est pas toujours la priorité. Les filles sont livrées à elles-mêmes ».
On dispose de peu d’informations sur la violence envers les enfants en général, dans la région, a expliqué Joachim Theis de l’UNICEF, et les preuves dont on dispose ne reflètent pas les expériences des filles face aux violences sexuelles, psychologiques et physiques, selon Akanksha Marphatia, coordinatrice des recherches et des politiques éducatives d’ActionAid.
Les écoles sont souvent le miroir des structures et des relations sociales qui les entourent ; il est donc impossible de trouver des solutions isolées, peut-on lire dans le rapport. La violence envers les filles est en effet liée aux relations entre les sexes, au sein desquelles la violence de l’homme est parfois acceptée, de même que la soumission et la passivité des femmes, d’après le rapport.
Les enquêtes réalisées par l’UNICEF au Bénin, au Togo et en Mauritanie ont en outre montré que de nombreux parents étaient favorables aux châtiments corporels en tant que partie intégrante de l’éducation ; certains considèrent même les relations sexuelles entre élèves et enseignants comme un moyen viable pour l’enfant de progresser, selon Joachim Theis.
Lacunes institutionnelles et lois éparses
En partie à cause de ces normes sociales, la volonté politique nécessaire pour s’attaquer au problème de la violence contre les filles fait défaut, a expliqué Akanksha Marphatia d’ActionAid.
En outre, les ministères de la Justice, des Affaires sociales, des Femmes et du Développement, et de l’Education ont des politiques distinctes et ne collaborent pas pour éradiquer la violence.
Parmi les pays de la région, seuls le Ghana, la Gambie, le Liberia, le Nigeria et le Togo abordent la violence en milieu scolaire au sein de leurs plans éducatifs nationaux ; à peine six pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale ont imposé des codes de conduite nationaux contre les sévices sexuels et la violence dans leurs écoles ; et le Sud-Soudan est le seul Etat d’Afrique à avoir interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires, selon le rapport mondial 2009 de l’Initiative mondiale pour mettre fin à tous les châtiments corporels contre les enfants, menée par Save the Children Suède.
De surcroît, les ministères qui mènent cette lutte n’ont pas toujours les capacités requises, « et il n’y a tout simplement pas d’intervention institutionnelle », a déploré Akanksha Marphatia, d’ActionAid. De manière générale, les systèmes nationaux de protection de l’enfance sont effectivement peu efficaces en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.
Toutefois, cette responsabilité incombe également aux décideurs internationaux qui, à ce jour, n’ont pas encore souligné la question de la violence dans les écoles, selon ActionAid. La violence n’est d’ailleurs abordée à aucun moment dans les OMD.
Les possibilités
L’Initiative des Nations Unies pour l’éducation des filles, axée sur la réalisation des OMD, se réunit actuellement au Sénégal, et la violence figure parmi ses trois thèmes centraux. Cette rencontre sera l’occasion pour les spécialistes de l’éducation, des droits de la femme et de la protection de l’enfance de commencer à travailler ensemble, selon Joachim Theis.
Ces spécialistes élaborent actuellement des plans d’action nationaux (qui ne sont toutefois pas juridiquement contraignants) destinés à réduire la violence en milieu scolaire. « Il faut s’attaquer au problème sur tous les fronts : par la législation, en établissant des normes, en créant des mécanismes de dépôt de plaintes », a-t-il préconisé.
Dans le cadre de ces plans d’action, les associations de protection de l’enfance suggèrent de recommander aux écoles de recruter davantage d’enseignantes, d’assurer de meilleures formations sur la violence et les droits des enfants pour les enseignants, d’inciter les gouvernements à améliorer les systèmes de protection de l’enfance en formant les professionnels de la justice ; et de commencer à assurer le suivi des violences perpétrées à l’encontre des enfants, et à en rendre compte.
Les bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, ont également un « rôle extrêmement important » à jouer : dans le cadre de leurs enveloppes d’aide à l’éducation, ils doivent insister pour que les pays acceptent d’agir pour réduire la violence, selon Joachim Theis.
Plusieurs ONG de la région travaillent de concert avec les syndicats d’enseignants en vue d’élaborer des codes de conduite. « Nous ne pouvons pas victimiser les enseignants : seul un petit pourcentage d’entre eux sont auteurs de maltraitances », a souligné Akanksha Marphatia.
Save the Children et les syndicats d’enseignants ont élaboré un code de conduite pour les enseignants de Côte d’Ivoire, qui a été présenté au ministère de l’Education ; ActionAid en a fait autant au Ghana ; en Mauritanie, les groupes religieux ont lancé une « fatwa » contre les châtiments corporels, à l’école comme au sein des foyers.