Cela faisait déjà un quart d’heure qu’elle était dans la salle de bains, Tim ne savait pas pourquoi mais il avait un mauvais pressentiment. Il jeta un coup d’œil à la petite Maimouna, elle était assise sagement par terre et remplissait des pages de coloriages, elle était tellement mignonne et anormalement sage pour une petite fille de son âge. Tim se dirigea vers la salle de bains et frappa plusieurs fois à la porte sans succès, il était sur que quelque chose n’allait pas, il tenta d’ouvrir la porte mais celle-ci était verrouillée. Son anxiété redoubla, il ne restait qu’une chose à faire, défoncer la porte. Il recula pour prendre son élan puis s’élança, la porte céda, il resta d’abord tétanisé par la vision d’horreur qui s’offrait à lui. La vue du sang ne l’effrayait pas bien au contraire, en tant que médecin urgentiste il y était continuellement confronté, mais là ce n’était pas pareil. Elle gisait là sur le sol dans son sang et le plus stupéfiant c’est qu’elle paraissait sereine, comme apaisée. Très vite son instinct de médecin repris le dessus, il prit des serviettes et les transforma en garrot afin de stopper l’hémorragie, lorsqu’il releva la tête Maimouna lui faisait face, choquée, dans un état second :
- Maï chérie, tout va bien se passer, je m’occupe de ta maman, elle va s’en sortir mais là j’ai besoin de toi, ma chérie d’accord ?
La petite acquiesça
- Retourne au salon, prends le téléphone appuie sur la touche * et tu me le donnes d’accord, tu peux faire ca pour moi chérie ?
La petite fille courut et lui rapporta le téléphone après avoir scrupuleusement suivi ses instructions. Le téléphone calé entre l’épaule et l’oreille les mains occupées à stopper l’hémorragie il parvint à articuler
- Ici le docteur Tim Iyke, j’ai besoin d’une ambulance de toute urgence au 17 rue Madeleine Laffitte à Montreuil, le patient est une femme environ 30 ans, 1m70 pour 60 kg, je pense qu'elle a tenté de se suicider en se tailladant les veines, j’essaie actuellement de stopper l’hémorragie, je ne sais pas combien de temps elle va tenir, dépêchez vous…
Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Salimata se sentie apaisée pour la première fois depuis plusieurs années. Elle pensait qu’elle était morte, que son âme reposait enfin en paix, cependant un rapide coup d’œil aux alentours lui fit comprendre qu’elle était loin d’être morte, elle était bien vivante et peu à peu, le sentiment qui ne la quittait jamais de puis plus de 6 ans refit surface : la peur. Elle voulut se lever mais n’en avait pas la force, elle était allongée sur un lit d’hôpital. Un médecin entra dans sa chambre, elle ne le reconnut pas tout de suite. Il s’assit sur le rebord de son lit
- Vous êtes réveillée à ce que je vois
- Vous auriez dû me laisser mourir Mr Iyke
- Cela aurait été le comble pour un médecin, j’ai prêté serment vous savez !
- Celui des hypocrites c’est ca ?
- Oh ! vous faites déjà de l’humour, vous êtes sur la voie de la guérison
Soudain, un sentiment de panique l’envahit, elle voulut se redresser une fois de plus sans succès.
- Ma fille, Maimouna…
- Ne vous inquiétez pas elle est en pédiatrie, elle est prise en charge actuellement par un psychologue
- Elle m’a vue comme ca… demanda-t-elle sentant les larmes descendre le long de ses joues.
Tim tendit la main pour lui caresser la joue
- Ne vous inquiétez pas, c’est une petite fille très courageuse et forte, elle m’a été d’une aide précieuse…
- Merci, je ne sais pas quoi dire
- Commencez par m’expliquer pourquoi j’ai retrouvé ma femme de ménage, dans ma salle de bains, baignant dans une marre de sang, les veines tailladées ?
- C’est une longue histoire
- Ca tombe bien j’ai tout mon temps
- D’accord mais d’abord je voudrais un verre d’eau
- Je vous trouve ca tout de suite…
Lorsque Jean-Claude ouvrit la porte de sa demeure, il sentit tout de suite que quelque chose ne tournait pas rond. Comme il le faisait tous les jours il essuya méticuleusement les semelles de ses chaussures sur le paillasson, accrocha son manteau sur le porte manteau situé à sa droite et déposa ses clés dans la corbeille prévue à cet effet posée au centre du meuble à chaussures situé à sa gauche, il ôta ses chaussures, les rangea avant de se diriger vers le séjour. La maison était anormalement silencieuse, d’habitude Maï se serait manifestée, Salimata serait vautrée dans le canapé entrain de pleurnicher devant ses séries télévisées à la con. Non quelque chose n’allait pas et ce la ne plaisait pas du tout à Jean-Claude, il détestait que Salimata sorte sans lui de surcroît avec sa fille. Il pensait pourtant s’être fait comprendre, il pensait l’avoir assez matée, apparemment non, elle avait besoin d’une leçon supplémentaire. Soudain, un léger sentiment de panique l’envahit et si elle s’était enfuie ? A cette idée son souffle se coupa, non il ne pouvait pas se permettre de la perdre encore une fois. Il courut vers leur chambre, rien n’avait bougé, il se rendit ensuite dans celle de sa fille, là non plus il n’y avait rien à signaler. Non elle ne pouvait pas aller bien loin, puisqu’il conservait tous ses papiers. Agacé, il saisit rageusement son téléphone portable et composa machinalement le numéro de Salimata, il atteignit directement la boîte vocale ce qui eut le don de l’irriter d’avantage :
- Je te conseille d’utiliser le peu de bon sens qu’il te reste et de ramener tes fesses ici tout de suite !!! tu sais très bien ce que ca donne quand je suis énervé, alors ramène toi maintenant. Dit-il avant de raccrocher
Jean-Claude était énervé, il fallait qu’il se calme, il se dirigea vers le bar, ouvrit une bouteille de Vodka qu’il commença à boire directement au goulot…
- Alors cette histoire ça viens ?
- Vous êtes toujours aussi impatient ?
- Oui, surtout quand je suis intrigué
« Tout commence il y a exactement 7 ans, j’avais tout juste 23 ans, jeune diplômée d’une école de tourisme, j’avais pu trouver une place de réceptionniste au Tiki hôtel situé à Somone destination touristique très prisée au Sénégal, non sans l’aide de mon petit papa chéri, un homme d’affaire très influant. J’étais jeune, à l’époque je vivais seule dans un petit deux pièces, je roulais dans ma petite Twingo, bref je menais une petite vie bien tranquille. J’étais libre de mes mouvements, je ne rendais de compte à personne, je croquais la vie à pleine dents, profitant des soirées endiablées en discothèque, et du farniente sur les plages de sable fin durant mes jours de repos.
Un jour alors que j’étais allongée sur la plage entrain de lire les potins d’un de ses magazines people dont je raffolais quelqu’un m’aborda :
- Excusez moi mademoiselle vous travaillez au Tiki hôtel n’est-ce pas ?
- Oui et comme vous le voyez, je ne suis pas en service, donc je n’ai pas de temps à vous consacrez dis-je sans même regarder mon interlocuteur
- Je suis désolé de vous déranger mais j’ai vraiment besoin que vous m’aidiez, je me suis perdu et…
- Vous n’avez pas l’air de comprendre ce que je viens de vous dire, je fis enfin face à mon interlocuteur, il était grand, musclé, brun aux yeux verts le teint légèrement hâlé, je le trouvais plutôt mignon mais j’étais toujours aussi énervée, Je ne travaille pas aujourd’hui, dis-je en appuyant sur chaque syllabe en anglais I don’t work today, en espagnol yo no trabajo hoy et si vraiment vous n’avez pas compris je vous le dirais en wolof ligueyouma tay ! c’est bon votre cerveau a assimilé l’information ?
- Cela a le mérite d’être clair, mais s’il vous plaît aidez moi je vous assure que ca fait une demie heure que je tourne ne rond et je n’arrive pas à me retrouver
- Ok c’est bon, c’est bon, vous longez la plage toujours tout droit…
- Euh… je pense qu’il serait préférable que vous m’accompagniez on m’a donné le même renseignement, il y a 10 minutes et j’en suis toujours au même point, allez s’il vous plaît accompagnez moi dit-il avec un sourire en coin auquel je ne pus résister
- Pff ! ok je vous emmène, suivez moi
Je rangeais mon bazar, remis ma robe de plage et mes tongs et je lui servis de guide jusqu’au Tiki hôtel, il m’apprit durant le trajet qu’il s’appelait Jean- Claude Pitas, qu’il était gardien de la paix en France et de passage à Somone pour quelques semaines de vacances.
Une fois arrivés à destination j’en profitai pour saluer quelques collègues.
- Est-ce qu’on se reverra ?
- C’est fort possible puisque je travaille ici
- Oui c’est vrai dit-il visiblement troublé à demain alors ?
- C’est ca à demain
Sans me l’avouer vraiment, j’étais troublée aussi, JC m’intriguait, il était vraiment beau, je ne tardais pas à ne plus pouvoir le chasser de mon esprit. Il me fit la cour assidument, il semblait tellement amoureux et mon cœur finit par capituler. Tout se passa très vite, il prolongea son séjour et demanda ma main. C’était la première vraie proposition que j’avais reçue depuis longtemps, tous les mecs avec qui j’étais sortie avant ne souhaitaient pas s’engager. Je le présentais donc à mes parents et leur fit part de ses intentions à mon égard. Mon père s’y opposa farouchement, je me rappelle encore de la discussion houleuse que nous eûmes ce jour là :
- Ne discutes pas Sali, tu ne l’épouseras pas
- Mais papa on s’aime, je t’assure que c’est vrai, je n’ai jamais ressenti ca avant
- Ma fille, tu es jeune, tu as toute la vie devant toi pour te marier, mais tu dois d’abord vivre tes propres expériences, voyager…
- Mais papa, on aura tout le temps de faire tout cela à deux, si j’étais enceinte tu l’aurais surement forcé à m’épouser
- C’est pour ca que tu veux te marier, tu es enceinte c’est ca ?
- Non, je ne suis pas idiote papa, je l’aime je veux vivre avec lui…
Mon père ne voulait pas céder, je fus obligée d’utiliser mon arme de destruction massive, ma mère à qui ce dernier ne pouvait rien refuser. Elle usa de toutes les techniques imaginables et il finit par accepter à la seule condition que JC accepte de payer une dot de 5000 euros. Il pensait que ce montant l’aurait effrayé et qu’il aurait renoncé mais ce ne fut pas le cas. Il paya la dot et nous pûmes convoler en justes noces. Une fois les formalités de visas et autres remplies, je le rejoignis en région parisienne. Au début, tout se passait bien, j’avais remarqué qu’il était un peu jaloux et possessif mais je trouvais ca mignon, rien de bien méchant. Les choses commencèrent à se gâter lorsque j’ai rencontré ses collègues lors de soirées qu’ils organisaient. En effet la majorité de ses collègues étaient célibataires et ne cessait de me complimenter, ce qui avait le don d’agacer JC. L’un d’entre eux Daniel connaissait bien la Sénégal et parlait même wolof, nous avons rapidement sympathisé. Un samedi soir, lors d’une soirée organisée chez nous, je renversais par inadvertance un verre sur la chemise de Daniel, en bonne hôtesse j’entrepris donc de nettoyer la tâche que j’avais faite, sans penser que cela pourrait paraître ambigu aux yeux de JC. Une fois ses collègues repartis j’entrepris de ranger un peu la maison :
- C’était quoi ce truc avec Daniel tout à l’heure ?
- Quoi? quel truc ? demandais-je
- Ne fais pas l’innocente dit-il en me saisissant violemment le bras.
Il était ivre, son haleine empestait l’alcool, je tentais de le calmer :
- Tu te fais des films bébés, calme toi
- Je ne me fais aucun film, je t’ai vu Sali, tu flirtais avec lui
- Mais ca ne va pas dans ta tête, et puis d’abord lâche moi tu me fais mal
Au lieu de me lâcher il me poussa violemment, et j’atterris sur le sol, sans que j’arrive à réaliser ce qui m’arrivais, les coups de poings et de pieds commencèrent à pleuvoir. Je le suppliais d’arrêter mais il ne m’écoutait plus, il était comme fou. Quand il eut fini, il s’accroupit, me releva la tête en tirant mes cheveux :
- Tu es à moi, tu m’entends, rien qu’à moi, j’ai payé 5000 euros pour t’avoir alors tu m’appartiens, je ne veux plus te voir ne serait-ce que tenter de poser les yeux sur un autre que moi sinon tu verras dit-il, tu es à moi est-ce clair ?
Comme je ne répondais pas il ricana… « On dirait que tu n’as pas compris ce que je viens de dire, Tu es à mois, en anglais You’re mine, en espagnol Tu eres mia ! C’est bon ton cerveau a assimilé l’information ? » Je répondis par l’affirmative, il me lança un dernier « c’est bien salope tu comprends vite » avant de me relâcher.
Je suis restée sur le sol, sans bouger pendant au moins une heure de temps, je n’arrivais pas à réalisé qu’il m’avait frappé, je pensais que j’avais fais un cauchemar et que rien de tout cela ne s’était réellement passé, cependant la douleur atroce que je ressentais dans tout mon corps me faisait comprendre que tout était réel… »
Sali venait de se rendre compte qu’elle pleurait pendant son récit, un sanglot l’empêchait de continuer, elle ne pouvait plus s’arrêter, elle avait si mal. Tim la pris dans ses bras pour la consoler…
Dernière édition par Akiss le 2010-02-16, 09:52, édité 1 fois