La crise de 1962 : Un conflit de classe porté au sommet de l’Etat
Après des siècles de domination coloniale, le peuple sénégalais accède enfin à la Souveraineté internationale. Une indépendance acquise avec la Soudan (actuel Mali), avec qui il forma la Fédération du Mali. Une fédération qui volera en éclats et chacun des deux pays marchera dans sa direction en suivant son destin.
L’indépendance du Sénégal a été le fruit d’une longue maturation avec les grèves des cheminots du Dakar – Niger, les différentes batailles menées au Palais Bourbon, avec la suppression de la loi sur les quatre communes entre autres… Le tout mené par des hommes politiques dotés d’une grande aura. Les plus connus furent Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, et Lamine Gueye. Les deux premiers occuperont les plus hautes fonctions du pays au moment de l’indépendance en étant respectivement Président de la république et Président du Conseil.
Ce compagnonnage n’aura cependant que le temps d’une rose. Elle prendra fin le 17 décembre 1962, soit un peu moins de trois ans après l’accession du Sénégal à l’indépendance. Le Sénégal un pays de 196 000 kilomètres carrés, situé à l’extrême ouest du continent africain, venait de connaître sa première grave crise institutionnelle. Une crise qui ne manquera pas de déteindre sur l’organisation et la gestion des institutions avec la suppression du poste de Président du Conseil (équivalent du poste de Premier ministre). Un poste qui ne sera d’ailleurs rétabli que le 26 février 1970 avec la nomination d’Abdou Diouf comme Premier ministre. Dia avait formé au lendemain de l’indépendance le premier gouvernement du Sénégal (voir liste et photo plus loin). C’était le 17 septembre 1960, moins d’un mois après l’éclatement de la Fédération du Mali, intervenu le 20 août 1960. En plus du Président du conseil, qui faisait office de Premier ministre, le Sénégal comptait à l’époque 15 ministres.
Le torchon avait commencé à brûler dès octobre 1962. En effet, au cours du Congrès de l’Union progressiste sénégalaise tenue cette année là, le Président Senghor avait fait un rapport aux cadres sur la situation du parti en dénonçant ce qu’il appelait à l’époque « l’usure du pouvoir », née selon lui d’une « absence de démocratie dans le parti ». Senghor écrivait ceci : « tout organisme humain, qu’il soit physique, politique ou social, a tendance à s’user. (…) Il ne s’agit pas d’un différent entre Senghor et Dia, mais d’un conflit de classe qu’on a voulu porter au sommet ». Une telle assertion remettait en cause le bicéphalisme qui régnait au sommet de l’Etat.
Une accusation fallacieuse
Dans le discours qu’il adressa à la nation le 31 décembre 1962, quelques après l’arrestation de Mamadou Dia, Senghor signa l’arrêt de mort du bicéphalisme, pour instaurer un Exécutif monocéphale. Sa justification est que « Mamadou Dia pratiquait une politique de clan. L’appareil administratif était au service du parti dominant et non de la nation ». Une différence dans la conception et l’approche de la gestion du pouvoir, en dépit de la bonne entente dont les deux hommes ont su faire preuve durant toute la période coloniale. La principale pomme de discorde entre les deux hommes est que Dia était « pour un socialisme autogestionnaire », ancré dans ce qu’il appelait un « Islam éclairé, moteur de notre développement », alors que Senghor lui, était « beaucoup plus tourné vers la France ».
Mamadou Dia militait contre « la vassalisation du Sénégal qu’imposaient les relations entretenues avec l’ancienne puissance colonisatrice ». Entre juillet 1961 et juin 1962, l’ancien Président du Conseil visita successivement les pays Scandinaves, la Yougoslavie, Washington, Londres, Bruxelles et l’Union Soviétique. Des voyages qui ne durent point du goût de Senghor. Lors d’un entretien à Genève, trouvé sur le Net, Amadou Mactar Mbow avait témoigné : « le référendum de 1958 et les voyages de Dia dans les Pays de l’Est alors qu’on sait que Senghor est un grand anti - communiste, constituaient les deux grandes difficultés entre les deux hommes ».
Mais en plus, il faut ajouter à cela la détermination du Président du Conseil d’instaurer une politique de bonne gouvernance. Il avait l’intention d’envoyer en prison tous les ministres coupables d’indélicatesse avec les deniers publics s’ils refusaient de rembourser. Le colonel Doua Diaby, un ancien aide de camp du président Senghor, confirme : « ce n’était pas un coup d’Etat … En vérité, Mamadou Dia voulait faire payer certains ministres qui avaient volé de l’argent dans les caisses de l’Etat quitte à les faire envoyer en prison. Lamine Gueye lui avait demandé de laisser tomber mais Dia a répondu : ‘’S’ils ne paient pas, ils iront en prison’’ ».
Le fossé se creusa davantage entre les deux hommes pour se transformer en abîme qui finit par engloutir Dia. Celui fut donc accusé de coup d’état le 17 décembre 1962. Jugé, il sera condamné à perpétuité et déporté à Kédougou.
Primauté entre l’Etat et le parti
« Mamadou Dia pratiquait une politique de clan. L’appareil administratif était au service du parti dominant et non de la nation », avait écrit Senghor aux cadres de l’UPS en 1962, peu avant la crise. En effet, l’ancien du Président du Conseil s’appuyait sur « la clause de la primauté du parti ». Un principe qui n’existait pas dans la constitution. Senghor s’y appuya alors pour lui mener la guerre. En fait, il lui avait fait part de sa décision d’instaurer un régime présidentiel, qui enlèverait au Président du Conseil, l’essentiel des pouvoirs qu’il détenait. Car avec le bicéphalisme, Mamadou Dia détenait entre ses mains tous les pouvoirs. L’acte un de Senghor a été de vouloir faire porter le chapeau de « la déportation des marabouts à Kédougou (ville montagnarde au sud est du Sénégal). Ainsi tous les marabouts du pays, qui représentent la véritable société civile à l’époque, étaient contre le président du Conseil à l’exception des regrettés Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane et Serigne Cheikh Mbacké de Touba ». Pour Senghor, il fallait coute que coute mettre un terme à cette dualité quitte à sacrifier sa complicité avec Mamadou Dia. Pour cela, il fallait trancher la question de la primauté entre l’Etat et le parti, et enlevait du coup sa légitimité à Mamadou Dia, qui « n’hésitait pas à prendre de grandes décisions qui n’étaient pas du goût de la France et de Senghor ». Parmi celles-ci, on retient celle de vouloir renvoyer les troupes françaises présentes à Dakar.
Le régime présidentiel de Senghor
Il a été instauré suite au référendum de 1963. Comme nous le disions plus haut la crise au sommet de l’Etat en 1962 avait entraîné l’introduction d’un régime présidentiel monocéphale. Senghor se retrouve seul maître à bord et formait alors un nouveau gouvernement qui était composé de 15 ministres et de 5 secrétaires d’Etat. Dans son discours à la nation du 31 décembre 1962, Senghor déclarait avoir choisi « cinq secrétaires d’Etat pour permettre à des jeunes de s’affirmer en faisant leurs preuves ». Il s’agit de Khar Ndofféne Diouf, secrétaire d’Etat chargé des liaisons avec les assemblées, Habib Thiam, chargé du plan, Moustapha Cissé, chargé des Affaires réservées, Daniel Cabou attaché au ministre des Finances et des Affaires économiques et Amadou Racine Ndiaye, rattaché au ministre de l’éducation et de la Culture. Senghor entame alors ce que l’on pourrait appeler une « dédiaïsation ». Tous les partisans de Mamadou furent chassés du gouvernement, s’ils ne sont pas condamnés en même temps que lui. Ce fut le cas pour Valdiodio Ndiaye. Gabriel d’Arboussier, François Dieng, Joseph Mbaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall et Obéye Diop ne durent pas reconduits dans le premier Gouvernement post Dia, constitué le 19 décembre 1962. Senghor détacha les Forces armées anciennement détenues par Valdiodio Ndiaye, sous le vocable de la Défense, pour les confier à Amadou Cissé Dia.
Senghor avait alors les coudées franches. Il établit un régime présidentiel et réussit le 14 juin 1966 à fusionner le parti gouvernemental l’IPS et le Parti du rassemblement africain (PRA) en une seule entité. Réélu président de la république en 1968, il fit face à la crise de 1968, marquée la révolte des étudiants et des travailleurs (voir La Sentinelle N°65 du jeudi 01er avril 2010). Une forte agitation qui le poussera à décréter l’état d’urgence le 11 juin et à nommer le 26 février 1970, Abdou Diouf au poste de Premier ministre à la faveur d’une révision constitutionnelle qui créa le poste.
L’instauration du multipartisme
Trois ans plus tard, en 1973, Senghor, seul candidat à sa succession, se faisait élire de nouveau et pour la troisième fois, Président de la république du Sénégal. Mais ce fut la dernière car lors de la présidentielle de 1978, qu’il remporta, il fit face à l’opposition pour la première fois d’Abdoulaye. Car entre temps, Senghor, avait instauré un multipartisme limité avec le vote de la loi sur les trois courants. C’était en 1974, année qui marque la formation du Parti démocratique sénégalais (PDS). L’UPS devient le Parti socialiste (PS). Le professeur Cheikh Anta Diop créa l’Union pour le renouveau démocratique (URD) et Majmouth Diop ressuscita son Parti africain pour l’indépendance (PAI).
L’instauration du multipartisme limité avait été précédée de la libération de Mamadou Dia et de ses compagnons qui avait vécu douze longues années dans le bagne de Kédougou. Le Sénégal s’engageait alors sur la voie des grandes nations démocratiques. Après avoir remporté les élections présidentielles, législatives et municipales de 1978, Senghor démissionnera le 31 décembre 1980 et Abdou Diouf devient président de la république du Sénégal.
Le multipartisme intégral et l’alternance
A son arrivée au pouvoir, Abdou Diouf opta pour l’abrogation de la loi sur les courants. Avec sa célèbre phrase « Diakka dia no nou, koumeune node nodal », (NDLR : la mosquée est ouverte, celui qui a une belle voix n’a qu’à appeler les fidèles à la prière), il libéralisa l’espace politique. Le Sénégal connut une floraison de partis politique et de mouvements syndicaux. Mais le 26 décembre, il enregistrera la plaie la plus béante de son histoire avec l’irrédentisme qui se déclarera en Casamance. Tant bien que mal Abdou Diouf réussit à tenir la barque pendant 20 ans (1er janvier 1981 – 19 mars 2000), avant d’être battu par Abdoulaye Wade. Mais que de tempêtes durant cette période. La barque Sénégal a survécu à maintes périodes de turbulences avec les crises post électoraux surtout celle de 1988 qui a coïncidé avec l’année blanche, la grève générale de 1992, … Sous le règne de Diouf, on assista à la suppression et à la restauration du poste de Premier ministre qui fut occupé par Habib Thiam par deux fois, Moustapha Niasse et Mamadou Lamine Loum.
Le PS, qui avait mené le Sénégal à l’indépendance, perdit la majorité. Le nouveau président Abdoulaye Wade fit adopter par le peuple une nouveau constitution qui porta le mandat présidentiel à 7 ans, alors qu’il était de 5 ans depuis la constitution de 1963. C’est le début d’un recul démocratique. Mandat Wade déclare n’être pas « élu pour inaugurer des chrysanthèmes ». Il se séparera des différents premiers ministres qu’il accusait de lorgner son fauteuil.
Après des siècles de domination coloniale, le peuple sénégalais accède enfin à la Souveraineté internationale. Une indépendance acquise avec la Soudan (actuel Mali), avec qui il forma la Fédération du Mali. Une fédération qui volera en éclats et chacun des deux pays marchera dans sa direction en suivant son destin.
L’indépendance du Sénégal a été le fruit d’une longue maturation avec les grèves des cheminots du Dakar – Niger, les différentes batailles menées au Palais Bourbon, avec la suppression de la loi sur les quatre communes entre autres… Le tout mené par des hommes politiques dotés d’une grande aura. Les plus connus furent Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, et Lamine Gueye. Les deux premiers occuperont les plus hautes fonctions du pays au moment de l’indépendance en étant respectivement Président de la république et Président du Conseil.
Ce compagnonnage n’aura cependant que le temps d’une rose. Elle prendra fin le 17 décembre 1962, soit un peu moins de trois ans après l’accession du Sénégal à l’indépendance. Le Sénégal un pays de 196 000 kilomètres carrés, situé à l’extrême ouest du continent africain, venait de connaître sa première grave crise institutionnelle. Une crise qui ne manquera pas de déteindre sur l’organisation et la gestion des institutions avec la suppression du poste de Président du Conseil (équivalent du poste de Premier ministre). Un poste qui ne sera d’ailleurs rétabli que le 26 février 1970 avec la nomination d’Abdou Diouf comme Premier ministre. Dia avait formé au lendemain de l’indépendance le premier gouvernement du Sénégal (voir liste et photo plus loin). C’était le 17 septembre 1960, moins d’un mois après l’éclatement de la Fédération du Mali, intervenu le 20 août 1960. En plus du Président du conseil, qui faisait office de Premier ministre, le Sénégal comptait à l’époque 15 ministres.
Le torchon avait commencé à brûler dès octobre 1962. En effet, au cours du Congrès de l’Union progressiste sénégalaise tenue cette année là, le Président Senghor avait fait un rapport aux cadres sur la situation du parti en dénonçant ce qu’il appelait à l’époque « l’usure du pouvoir », née selon lui d’une « absence de démocratie dans le parti ». Senghor écrivait ceci : « tout organisme humain, qu’il soit physique, politique ou social, a tendance à s’user. (…) Il ne s’agit pas d’un différent entre Senghor et Dia, mais d’un conflit de classe qu’on a voulu porter au sommet ». Une telle assertion remettait en cause le bicéphalisme qui régnait au sommet de l’Etat.
Une accusation fallacieuse
Dans le discours qu’il adressa à la nation le 31 décembre 1962, quelques après l’arrestation de Mamadou Dia, Senghor signa l’arrêt de mort du bicéphalisme, pour instaurer un Exécutif monocéphale. Sa justification est que « Mamadou Dia pratiquait une politique de clan. L’appareil administratif était au service du parti dominant et non de la nation ». Une différence dans la conception et l’approche de la gestion du pouvoir, en dépit de la bonne entente dont les deux hommes ont su faire preuve durant toute la période coloniale. La principale pomme de discorde entre les deux hommes est que Dia était « pour un socialisme autogestionnaire », ancré dans ce qu’il appelait un « Islam éclairé, moteur de notre développement », alors que Senghor lui, était « beaucoup plus tourné vers la France ».
Mamadou Dia militait contre « la vassalisation du Sénégal qu’imposaient les relations entretenues avec l’ancienne puissance colonisatrice ». Entre juillet 1961 et juin 1962, l’ancien Président du Conseil visita successivement les pays Scandinaves, la Yougoslavie, Washington, Londres, Bruxelles et l’Union Soviétique. Des voyages qui ne durent point du goût de Senghor. Lors d’un entretien à Genève, trouvé sur le Net, Amadou Mactar Mbow avait témoigné : « le référendum de 1958 et les voyages de Dia dans les Pays de l’Est alors qu’on sait que Senghor est un grand anti - communiste, constituaient les deux grandes difficultés entre les deux hommes ».
Mais en plus, il faut ajouter à cela la détermination du Président du Conseil d’instaurer une politique de bonne gouvernance. Il avait l’intention d’envoyer en prison tous les ministres coupables d’indélicatesse avec les deniers publics s’ils refusaient de rembourser. Le colonel Doua Diaby, un ancien aide de camp du président Senghor, confirme : « ce n’était pas un coup d’Etat … En vérité, Mamadou Dia voulait faire payer certains ministres qui avaient volé de l’argent dans les caisses de l’Etat quitte à les faire envoyer en prison. Lamine Gueye lui avait demandé de laisser tomber mais Dia a répondu : ‘’S’ils ne paient pas, ils iront en prison’’ ».
Le fossé se creusa davantage entre les deux hommes pour se transformer en abîme qui finit par engloutir Dia. Celui fut donc accusé de coup d’état le 17 décembre 1962. Jugé, il sera condamné à perpétuité et déporté à Kédougou.
Primauté entre l’Etat et le parti
« Mamadou Dia pratiquait une politique de clan. L’appareil administratif était au service du parti dominant et non de la nation », avait écrit Senghor aux cadres de l’UPS en 1962, peu avant la crise. En effet, l’ancien du Président du Conseil s’appuyait sur « la clause de la primauté du parti ». Un principe qui n’existait pas dans la constitution. Senghor s’y appuya alors pour lui mener la guerre. En fait, il lui avait fait part de sa décision d’instaurer un régime présidentiel, qui enlèverait au Président du Conseil, l’essentiel des pouvoirs qu’il détenait. Car avec le bicéphalisme, Mamadou Dia détenait entre ses mains tous les pouvoirs. L’acte un de Senghor a été de vouloir faire porter le chapeau de « la déportation des marabouts à Kédougou (ville montagnarde au sud est du Sénégal). Ainsi tous les marabouts du pays, qui représentent la véritable société civile à l’époque, étaient contre le président du Conseil à l’exception des regrettés Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh de Tivaouane et Serigne Cheikh Mbacké de Touba ». Pour Senghor, il fallait coute que coute mettre un terme à cette dualité quitte à sacrifier sa complicité avec Mamadou Dia. Pour cela, il fallait trancher la question de la primauté entre l’Etat et le parti, et enlevait du coup sa légitimité à Mamadou Dia, qui « n’hésitait pas à prendre de grandes décisions qui n’étaient pas du goût de la France et de Senghor ». Parmi celles-ci, on retient celle de vouloir renvoyer les troupes françaises présentes à Dakar.
Le régime présidentiel de Senghor
Il a été instauré suite au référendum de 1963. Comme nous le disions plus haut la crise au sommet de l’Etat en 1962 avait entraîné l’introduction d’un régime présidentiel monocéphale. Senghor se retrouve seul maître à bord et formait alors un nouveau gouvernement qui était composé de 15 ministres et de 5 secrétaires d’Etat. Dans son discours à la nation du 31 décembre 1962, Senghor déclarait avoir choisi « cinq secrétaires d’Etat pour permettre à des jeunes de s’affirmer en faisant leurs preuves ». Il s’agit de Khar Ndofféne Diouf, secrétaire d’Etat chargé des liaisons avec les assemblées, Habib Thiam, chargé du plan, Moustapha Cissé, chargé des Affaires réservées, Daniel Cabou attaché au ministre des Finances et des Affaires économiques et Amadou Racine Ndiaye, rattaché au ministre de l’éducation et de la Culture. Senghor entame alors ce que l’on pourrait appeler une « dédiaïsation ». Tous les partisans de Mamadou furent chassés du gouvernement, s’ils ne sont pas condamnés en même temps que lui. Ce fut le cas pour Valdiodio Ndiaye. Gabriel d’Arboussier, François Dieng, Joseph Mbaye, Ibrahima Sarr, Alioune Tall et Obéye Diop ne durent pas reconduits dans le premier Gouvernement post Dia, constitué le 19 décembre 1962. Senghor détacha les Forces armées anciennement détenues par Valdiodio Ndiaye, sous le vocable de la Défense, pour les confier à Amadou Cissé Dia.
Senghor avait alors les coudées franches. Il établit un régime présidentiel et réussit le 14 juin 1966 à fusionner le parti gouvernemental l’IPS et le Parti du rassemblement africain (PRA) en une seule entité. Réélu président de la république en 1968, il fit face à la crise de 1968, marquée la révolte des étudiants et des travailleurs (voir La Sentinelle N°65 du jeudi 01er avril 2010). Une forte agitation qui le poussera à décréter l’état d’urgence le 11 juin et à nommer le 26 février 1970, Abdou Diouf au poste de Premier ministre à la faveur d’une révision constitutionnelle qui créa le poste.
L’instauration du multipartisme
Trois ans plus tard, en 1973, Senghor, seul candidat à sa succession, se faisait élire de nouveau et pour la troisième fois, Président de la république du Sénégal. Mais ce fut la dernière car lors de la présidentielle de 1978, qu’il remporta, il fit face à l’opposition pour la première fois d’Abdoulaye. Car entre temps, Senghor, avait instauré un multipartisme limité avec le vote de la loi sur les trois courants. C’était en 1974, année qui marque la formation du Parti démocratique sénégalais (PDS). L’UPS devient le Parti socialiste (PS). Le professeur Cheikh Anta Diop créa l’Union pour le renouveau démocratique (URD) et Majmouth Diop ressuscita son Parti africain pour l’indépendance (PAI).
L’instauration du multipartisme limité avait été précédée de la libération de Mamadou Dia et de ses compagnons qui avait vécu douze longues années dans le bagne de Kédougou. Le Sénégal s’engageait alors sur la voie des grandes nations démocratiques. Après avoir remporté les élections présidentielles, législatives et municipales de 1978, Senghor démissionnera le 31 décembre 1980 et Abdou Diouf devient président de la république du Sénégal.
Le multipartisme intégral et l’alternance
A son arrivée au pouvoir, Abdou Diouf opta pour l’abrogation de la loi sur les courants. Avec sa célèbre phrase « Diakka dia no nou, koumeune node nodal », (NDLR : la mosquée est ouverte, celui qui a une belle voix n’a qu’à appeler les fidèles à la prière), il libéralisa l’espace politique. Le Sénégal connut une floraison de partis politique et de mouvements syndicaux. Mais le 26 décembre, il enregistrera la plaie la plus béante de son histoire avec l’irrédentisme qui se déclarera en Casamance. Tant bien que mal Abdou Diouf réussit à tenir la barque pendant 20 ans (1er janvier 1981 – 19 mars 2000), avant d’être battu par Abdoulaye Wade. Mais que de tempêtes durant cette période. La barque Sénégal a survécu à maintes périodes de turbulences avec les crises post électoraux surtout celle de 1988 qui a coïncidé avec l’année blanche, la grève générale de 1992, … Sous le règne de Diouf, on assista à la suppression et à la restauration du poste de Premier ministre qui fut occupé par Habib Thiam par deux fois, Moustapha Niasse et Mamadou Lamine Loum.
Le PS, qui avait mené le Sénégal à l’indépendance, perdit la majorité. Le nouveau président Abdoulaye Wade fit adopter par le peuple une nouveau constitution qui porta le mandat présidentiel à 7 ans, alors qu’il était de 5 ans depuis la constitution de 1963. C’est le début d’un recul démocratique. Mandat Wade déclare n’être pas « élu pour inaugurer des chrysanthèmes ». Il se séparera des différents premiers ministres qu’il accusait de lorgner son fauteuil.